Écrire l’espoir

« Ce qu’on écrit ne donne qu’une image incomplète de ce qu’on est, pour la raison que les mots ne surgissent et ne s’animent que lorsqu’on est au plus haut ou au plus bas de soi-même. » Emil Cioran

Je songeais depuis quelques temps au fait que j’écris souvent lorsque je suis au plus bas. C’est là où je le ressent comme une urgence vitale, lorsque je n’ai pas pu atténuer mon inconfort par quelque chose qui pourrait altérer ma conscience…

Il en résulte des écrits très sombres, de longues complaintes qui frisent souvent le pathétique, dans lesquelles je semble ne vouloir m’accrocher à rien. Le monstre de la dépression distille son poison en moi depuis si longtemps que cet état de désespoir total est devenu mon plus vieil ami. Sa compagnie m’est familière. On se complaît dans sa tristesse comme on reste marié à un con. Par habitude, par fragilité, par peur, par manque de confiance en soi. Bien sûr c’est un peu plus que ça. J’ai conscience d’être malade, d’avoir très peu de contrôle sur tout ça. Mais je sais aussi que j’ai lâché prise, là où il faudrait tenter, explorer, quitte à échouer.

J’ai pris comme résolution d’écrire l’espoir aussi. Écrire les moments où je sens que les nuages se dissipent. Habituellement je me contente de faire des listes. Des listes qui restent dans un coin, inutiles, seules témoins de mon étincelle de détermination. Écrire l’espoir me permettra de relire le fond de tout ça. De me conditionner à m’imaginer bien en me rappelant l’avoir été, même un instant.

Pour écrire l’espoir cependant, il faut s’extraire du cercle vicieux dans lequel je suis depuis que j’ai terminé mes études. Dormir, déprimer, sortir, boire, rentrer, pleurer, dormir, déprimer. Parfois je ne prends même pas la peine de sortir.

Ça tombe bien, j’en ai fini avec la solitude, je rentre chez mes parents. Ce qui sonne comme un aveu de faiblesse est en fait un petit triomphe intérieur. Je sais que je dois repasser par là, boucler la boucle, conjurer le sort. Je dois me confronter à eux, à mes démons, si présent dans cette ville de mon enfance. Je ne peux pas me contenter de survivre seule en pataugeant, comme si j’attendais de la vie un changement qui ne dépend que de moi.